Quant au papier toilette, était-il vraiment indispensable ? Pourquoi ne pas s’aligner sur les villageois et utiliser comme eux des cœurs d’épi de maïs et des feuilles de malva. Abi, la femme du marchand Aladji, ne lui avait-elle pas confié un jour qu’elle-même ne se servait pas de ce papier qu’elle vendait ? Et que dans sa culture la coutume exigeait qu’on se rinçât à l’eau ? Pourquoi ne conserverait-elle pas, elle, Awu, sa coutume ? Non pas qu’elle n’eût jamais essayé. Mais cela avait été occasionnel. Et ces occasions avaient toujours été très particulières. En effet, la cabinette qui abritait la fosse septique était le seul endroit où toute intimité fût réellement possible. Ces quatre murs d’écorce et ce petit toit de paille connaissaient d’Awu-dabiran’ plus d’un secret. Ne l’avaient-ils pas observée chaque fois qu’elle s’était accroupie et qu’elle avait promené son regard des épis de maïs égrénés aux branches de malva, le tout déposé à même le sol, sur une planche que recouvraient des feuilles de bananier ? Ces murs d’écorce et ce toit de paille, les seuls confidents qu’elle ait jamais eus, savaient qu’elle trouvait plus juste de se servir des rafles de maïs. C’étaient pour eux une fin naturelle. La fin de leur parcours au sein de la nature.
extrait de: Justine Mintsa, Histoire d’Awu, Gallimard, Continents Noirs, 2000, p. 65.